Autor: la Fontaine
\"Quoi? toujours il me manquera
Quelqu\'un de ce peuple imbecile!
Toujours le loup m\'en gobera!
J\'aurai beau les compter! Ils etaient plus de mille.
Et m\'ont laisse ravir notre pauvre Robin;
Robin mouton qui, par la ville
Me suivait pour un peu de pain,
Et qui m\'aurait suivi jusques au bout du monde.
Helas! de ma musette il entendait le son;
Il me sentait venir de cent pas à la ronde.
Ah! le pauvre Robin mouton!\"
Quand Guillot eut fini cette oraison funèbre,
Et rendu de Robin la memoire celèbre,
Il harangua tout le troupeau,
Les chefs, la multitude, et jusqu\'au moindre agneau.
Les conjurant de tenir ferme:
Cela seul suffirait pour ecarter les loups.
Foi de peuple d\'honneur, ils lui promirent tous
De ne bouger non plus qu\'un terme.
\" Nous voulons, dirent-ils, etouffer le glouton
Qui nous a pris Robin mouton.\"
Chacun en repond sur sa tête.
Guillot les crut et leur fit fête.
Cependant, devant qu\'il fût nuit,
Il arriva nouvel encombre.
Un loup parut: tout le troupeau s\'enfuit.
Ce n\'etait pas un loup, ce n\'en etait que l\'ombre.
Haranguez de mechants soldats:
Ils promettent de faire rage;
Mais, au moindre danger, adieu tout le courage;
Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas.